Prière
- John Holliday
- 15 mars
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 mars
Depuis ce jour de février, comme un présage,
Sur le chemin dans les bois,
Entre la maison et le village,
Nous jouons avec ma fille
A trouver le plus beau galet
Et l'entreposer au bout du chemin
A l'endroit d'une cabane.
Maintenant je sais pourquoi.
Ce qui se dépose finit par s'assembler
En histoire à raconter.
Le lendemain,
D'une bourrasque,
La fenêtre de cette cabane s'est ouverte
Laissant apparaitre
Devant mes yeux ébahis
Deux têtes
Le souffle coupé
Un chevreuil, un sanglier
Tristes trophées
Ne peuvent quitter le mur de mes pensées.
Le troisième jour,
Un galet à la main
Et dans l'autre, celle de ma fille
Se crispe soudain quand
Devant l'entrée de la cabane
Un corps inerte s'étend
C'est un chevreuil...
Ma fille ne détourne pas l'œil
Et lance à ce chasseur droit devant :
"Est-ce que je peux le recueillir ?"
Un regard de plomb tombe sur elle puis l'esquive
Une gêne stupéfaite s'esquisse
Cherche dans mes yeux livides
En vain une branche complice...
Il nous laissera la tête...
Le quatrième jour, le 14 février
Ma fille me tire par le bras
A travers le bois
Et cette partie de moi campée dans l'oubli
S'entraine dans les pas décidés
De celle qui sait...
C'est ainsi qu'avec j'apprends à marcher
Avec des jambes qui vacillent
Vers l'horizon qui se renouvelle
Et nous rassemblons
Ces pierres qui s'éparpillent
Réunies en cet instant figé
Sur le seuil de cette cabane
Et d'une tête lourde déposée...
Mes paupières
Et les doigts tremblants de ma main
Se referment
Sur les doux bois
Aux quatre directions
Je la rapporte
Comme une croix
A la maison.
Le Cinquième jour
Sous la pluie battante
Nos mains sales creusent
Nos mots et nos dessins s'enfoncent
Sans réponse
En cette heure recouverte
Par la terre du jardin.
Le Sixième jour,
Au cœur des bois de la montagne
Dans la pente sous mes pieds une pierre se décroche
Et roule vers le bas
Jusqu'à cette clairière
Jusqu'à cet aboiement soudain.
Devant mes yeux,
Sur un tapis de mousses et de lichens
Le pelage nouveau
D'un chevreuil majestueux.
Il tourne vers moi sa tête sereine
Dévoilant son cou orné de blanc
Et attend un instant
Du coin de son œil brillant
Mon regard déposé
Au fond de ce puits
Dans l'eau nos galets qui scintillent
Et voir bondir par ricochets infinis
La liberté retrouvée.
Le jour Dernier,
La cabane est fermée
Une personne se tient devant l'entrée :
"Vous cherchez des galets ?"
Je voulais répondre "c'est pour les animaux chassés"
Mais j'ai répondu, d'un sourire sans pensées :
"C'est pour ma fille".
C'est la dernière fois que je rencontre quelqu'un
Près de cette cabane.
C'est ainsi qu'en suivant ma fille
Sur le chemin de ce bois
L'instant comme trésor
Que mes peines sont devenues de l'or.
Alors il n'y a plus à souffrir.
Alors il n'y a plus à mourir.
Tant je continue à offrir
Des galets
Encore et En Corps
En Présence
En Silence
En mots soupesés
Avec l'Amour
Pour seule balance.
Qu'il est beau d'être un homme tout en gardant intact son cœur d'enfant
Cela m'émeut...
Merci John !